PKK, Confédéralisme Démocratique et Absurdités – Juraj Katalenac

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Nous publions ici un texte critique à propos du PKK et du « Confédéralisme démocratique » que nous avons traduit en français et en tchèque, émanant de militants qui s’expriment essentiellement en croate et qui ont donné à leur structure le nom de Svjetska Revolucija (« Révolution mondiale »). Nous connaissons peu de choses sur ce groupe et il nous est linguistiquement difficile d’approfondir plus avant notre connaissance de leurs positions programmatiques.

Néanmoins dans un document de base publié en croate qui développe toute une série d’affirmations intéressantes, il y en a une en particulier que nous tenons ici à critiquer succinctement, il s’agit de leur position sur « le terrorisme » lorsque ces camarades affirment : « Le terrorisme n’est pas une méthode de lutte de la classe ouvrière. Il prône l’action secrète d’une petite clique en totale contradiction avec la défense de la violence de classe qui relève de l’action de masse consciente et organisée du prolétariat. » [https://www.svjetskarevolucija.org/osnovni-stavovi/]

Nous ne sommes pas du tout d’accord avec cette position qui laisse la porte grande ouverte au pacifisme au nom du « Grand Soir » à venir, sous prétexte qu’ici et maintenant « les masses ne sont pas prêtes », comme l’ont éructé depuis des décennies les sociale-démocrates de tous poils pour mieux désarmer notre lutte. Il n’y a pas de « terrorisme » en soi ! Toute action, toute pensée sont essentiellement déterminées par leur contenu de classe et le rapport social dominant ; il y a donc bien un terrorisme de classe et celui-ci se décline suivant la nature du programme qu’il contient et qui le porte.

Il y a donc d’un côté un terrorisme bourgeois, patronal, capitaliste, contre-révolutionnaire : c’est le terrorisme permanent de la quotidienneté de notre mise au travail forcé, c’est la répression policière et militaire (et syndicale) pour écraser nos grèves, nos luttes, nos espoirs, et c’est aussi le terrorisme de la boucherie meurtrière sur les champs d’horreur des guerres bourgeoises, etc.

Mais, et en opposition radicale à ce terrorisme contre-révolutionnaire, il y a aussi un terrorisme prolétarien, révolutionnaire, humain : c’est le sabotage permanent par notre classe des outils de l’exploitation, de l’aliénation, de l’oppression et de la domination, c’est l’organisation même minoritaire de l’action directe, c’est-à-dire sans intermédiaires, sans médiations, c’est la destruction de ce qui nous détruit pour l’abolition définitive, l’éradication totale des cause mêmes de notre misère.

Pour terminer cette petite présentation et cette critique fraternelle, nous tenons à réaffirmer les positions de toujours du mouvement communiste (quelques bon vieux « bijoux » programmatiques !) vis-à-vis de la nécessaire violence révolutionnaire pour en finir une fois pour toute avec ce vieux monde :

« Les massacres sans résultats […], le cannibalisme de la contre-révolution elle-même convaincront les peuples que pour abréger, pour simplifier, pour concentrer l’agonie meurtrière de la vieille société et les souffrances sanglantes de l’enfantement de la nouvelle société, il n’existe qu’un moyen : le terrorisme révolutionnaire. »
(Karl Marx, « Victoire de la contre-révolution à Vienne », La Nouvelle Gazette Rhénane n° 136, 7 novembre 1848)
[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1848/11/km18481107.htm]

« Bien loin de s’opposer aux prétendus excès, aux exemples de vengeance populaire contre des individus haïs ou des édifices publics auxquels ne se rattachent que des souvenirs odieux, il faut non seulement tolérer ces exemples, mais encore en assumer soi-même la direction. »
(Karl Marx – Friedrich Engels, « Adresse du Comité Central à la Ligue des Communistes », Londres, mars 1850)
[https://www.marxists.org/francais/marx/works/1850/03/18500300.htm]

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PKK, Confédéralisme Démocratique et Absurdités – Juraj Katalenac

Nous entendons tous les jours parler de la menace de l’Etat islamique (aussi connu sous l’abréviation EIIS ou EIIL). Les médias nous informent sans cesse de leurs exécutions brutales de journalistes et d’humanitaires occidentaux, des crimes contre la population qui n’accepte pas leur fondamentalisme religieux et leurs victoires militaires. Le président américain, Barack Obama, a juré le 11 septembre de cette année – à la date anniversaire des attaques terroristes sur le World Trade Center – d’éradiquer l’EIIL, mais en même temps, les dirigeants occidentaux sont réticents à s’engager dans une intervention militaire en Irak – du moins, sous la forme de celle lancée contre le régime de Saddam Hussein. De nombreux analystes militaires nous ont avertis en quoi il est dans l’intérêt des Etats-Unis de ne pas s’engager dans une intervention massive contre l’EIIL mais seulement de faire sortir l’EIIL de force d’Irak et de le faire rentrer en Syrie où il combat le régime d’Assad.

Mais la lutte contre l’EIIL n’est pas le sujet de cet article ; il sera plutôt question de l’alliance apparemment inattendue que la situation actuelle a révélée : une alliance entre les puissances occidentales et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) – considéré jusqu’à récemment comme une organisation terroriste.

Une des façons par laquelle l’Occident est intervenu contre l’EIIL – à l’exception des frappes aériennes – c’est par l’armement des forces kurdes dans le nord de l’Irak. Ceci s’est fait en équipant les combattants et en expédiant des armes croates dont nous devions nous débarrasser quand nous sommes entrés dans l’OTAN. L’implication croissante des Kurdes dans les combats dans la région a acquis de plus en plus de soutien, ce qu’ils n’ont pas connu depuis la chute de l’Union soviétique. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a approuvé la création d’un Kurdistan indépendant comme condition à une alliance des « Etats modérés » du Moyen-Orient, et la Turquie a également marqué son accord sur l’établissement d’un Etat kurde dans le nord de l’Irak. En dehors de l’opposition de l’Iran, il n’y a pas grand-chose qui puisse entraver la réalisation d’un Etat kurde.

Cet article a été suscité par l’intérêt pervers de la gauche occidentale envers le PKK : pervers parce que le PKK est une organisation qui a derrière elle une grande histoire d’abus, de harcèlement et de racket envers la population locale (kurde), de violence et de meurtres sectaires, de trafic d’héroïne, d’extorsion et de recrutement forcé des populations locales dans son aile militaire, et elle est idéalisée par les gauchistes occidentaux qui lui attribuent des vertus « révolutionnaires », « prolétariennes », « féministes »… alors qu’il n’en est rien, bien au contraire. Aussi, il est nécessaire de mentionner que ce qui a éveillé l’intérêt des gauchistes occidentaux envers le PKK est sa politique prétendument « communaliste » ou même « anarchiste », un tournant qui se reflète dans le remplacement de sa précédente référence au marxisme-léninisme (c.-à-d. au stalinisme) par le « confédéralisme démocratique ». C’est ce qu’on peut lire dans de nombreux articles tels que « Le nouveau PKK : déclenchement d’une révolution sociale au Kurdistan » par Rafael Taylor [1] ou « Printemps kurde : pour quoi le PKK lutte-t-il ? » par Brian Whelan [2].

Je vais donc traiter dans cet article de seulement trois mythes concernant le PKK : le fait qu’il est « révolutionnaire », qu’il est « prolétarien » et qu’il est « féministe ». Il est important d’expliquer clairement pourquoi le soutien envers telles organisations est préjudiciable et ridicule.

LE PKK DE LA GUERRE FROIDE

Le PKK a été fondé le 27 novembre1978 par Abdullah Öcalan, Mazlum Doğan et une vingtaine de partisans. Le but du PKK était de lutter contre le « colonialisme turc » au Kurdistan turc et d’établir un Etat kurde indépendant et uni. A sa fondation, le PKK était inspiré par les idées du marxisme-léninisme, comme de nombreuses organisations similaires dans la région qui ont joui du soutien soviétique, mais en fait, il était un adepte de la politique étrangère soviétique durant la guerre froide. Par conséquent, le PKK pensait qu’il pourrait conquérir le pouvoir par le biais d’opérations de combat de son armée de guérilla nationale et qu’il pourrait se trouver des alliés parmi les pays du bloc de l’Est, ainsi que parmi les propriétaires fonciers kurdes pour lutter contre ses rivaux kurdes.

Le 15 août 1984, le PKK attaqua des postes de police dans les villages d’Eruh et de Şemdinli, démarrant ainsi un soulèvement. Durant ces actions, deux officiers de police turcs furent tués. En guise de contre-mesure, la Turquie recruta des milliers de Kurdes en tant que gardes communaux contre le PKK. Le PKK a été cruel envers ces gardes, ainsi qu’envers tous les autres Kurdes qui éprouvèrent de la sympathie envers le gouvernement turc, et les rivaux qui attaquèrent certains propriétaires qui s’étaient rangés du côté du PKK. A cause de cela, le PKK perdit la sympathie de cette partie du peuple kurde qui se trouvait coincé entre le PKK et l’armée turque. En outre, le PKK avait des relations tendues avec les Kurdes en dehors de la Turquie, comme Massoud Barzani dans le nord de l’Irak.

Bien qu’il se soit initialement constitué en tant qu’organisation marxiste-léniniste, le PKK a perdu un nombre important d’alliés étrangers à la suite de la chute du bloc de l’Est en 1989. La guerre du Golfe de 1991 a redessiné la carte de la région, où la « défense du socialisme » à la sauce marxiste-léniniste fut remplacée par le nationalisme kurde en tant qu’idéologie visant à recruter de nouveaux combattants. Parce que les différents pays impérialistes ont toujours voulu posséder leur part du gâteau au Moyen-Orient, le PKK s’est avéré être un partenaire stratégique important, bénéficiant du soutien des gouvernements de Syrie, d’Iran, d’Irak, d’Arménie, de Grèce et de Russie. Il est important ici de souligner le rôle des pays de l’UE qui sont intervenus lorsque, le 15 février 1999, la Turquie arrêta Öcalan. L’intervention de l’UE transforma la peine de mort initiale en emprisonnement à vie.

Comme j’ai déjà mentionné l’emprisonnement d’Öcalan, il est nécessaire d’attirer l’attention sur la répression subie par les Kurdes aux mains de l’Etat turc. En fait, le PKK s’est établi pour des raisons matérielles, car l’Etat turc moderne, tout comme son mentor, la France, ne reconnaît pas les minorités et utilise des mesures répressives qui étouffent toute résistance. Par exemple, toutes les organisations parlementaires qui ont combattu pour les intérêts du peuple kurde ont été interdites ou déclarées organisations terroristes.

LE TOURNANT « COMMUNALISTE »

Au cours des dernières années, le PKK est devenu extrêmement populaire parmi les anarchistes et gauchistes occidentaux, pour le prétendu « tournant libertaire » du PKK, à propos duquel ils ont beaucoup écrit, y compris des auteurs tels que Rafael Taylor et Brian Whelan mentionnés ci-dessus. Ils affirment qu’Öcalan a vécu une purification en prison et qu’il a remplacé le stalinisme par le socialisme libertaire, et tout spécialement le municipalisme libertaire de Murray Bookchin. Öcalan a développé le municipalisme libertaire sous la forme du confédéralisme démocratique par l’intermédiaire du Groupe des Communautés du Kurdistan (KCK), l’expérimentation territoriale du PKK en une « société libre et directement démocratique ». Le confédéralisme démocratique signifie pour eux une « société démocratique, écologique, sans oppression sexuelle » ou une « démocratie sans Etat ». Mais il est nécessaire de mettre un terme à de telles absurdités et d’expliquer le véritable contexte du changement idéologique du PKK.

Au huitième Congrès du PKK, tenu le 16 avril 2002, la « transformation démocratique » a été votée, ce qui signifie que le PKK rejette les moyens violents pour parvenir à la « libération », en demandant les droits politiques des Kurdes au sein de la Turquie. A partir de ce congrès, le PKK s’est transformé en créant une nouvelle organisation politique, le Congrès du Kurdistan pour la Démocratie et la Liberté (KADEK), dont la tâche était de lutter par des moyens exclusivement démocratiques. Malgré le tournant politique du porte-parole du PKK/KADEK, il est clair que les Forces de Défense du Peuple (HPG), l’aile militaire du PKK de maintien de l’auto-défense, ne seront pas dissoutes. Au fil du temps, le KADEK s’est transformé en un Congrès du Peuple du Kurdistan plus modéré (Kongra-Gel), sinon il n’aurait pas été possible de prendre part à des négociations avec les autorités turques et de faciliter la participation à la politique parlementaire. Le KCK, connu comme le principal organe du « confédéralisme démocratique », est dans son essence un proto-État pour le peuple kurde sous administration du PKK, et rassemble de nombreuses autres forces kurdes qui reconnaissent la suprématie du PKK.

En 1999, les nationalistes kurdes ont participé pour la première fois à des élections locales et ils ont remporté une large majorité dans le Kurdistan turc où ils se sont maintenus depuis lors. Depuis 2005, les nationalistes kurdes ont renouvelé leurs tentatives pour entrer au parlement turc et poursuivre ainsi une lutte légale. Cela a commencé avec le Parti de la Société Démocratique (DTP), qui a été créé pour remplacer le Parti Démocratique du Peuple (DEHAP), récemment interdit. Mais ce parti a été interdit par l’Etat turc pour ses liens avec le PKK, comme auparavant, et il a été remplacé par le Parti pour la Paix et de la Démocratie (BDP), fraichement créé en 2009. Bien qu’il soit associé au PKK, le BDP est un membre reconnu de l’Internationale Socialiste social-démocrate.

Le « tournant communaliste » des nationalistes kurdes répondait à la stratégie répressive du Parti de la Justice et du Développement (AKP) contre la population kurde. C’est essentiellement un plan pour l’autonomie démocratique de la région dans le cadre de l’Etat turc et de la constitution turque. Ainsi, le séparatisme d’origine et la création d’un État indépendant ont été abandonnés. Suivant ce plan, la langue kurde ainsi que des dialectes turcs et locaux deviendront les langues officielles du Kurdistan, il y aura des représentants d’un Kurdistan autonome dans le parlement turc qui garantiront la mise en œuvre de la loi et l’égalité des droits pour les Kurdes, et le Kurdistan autonome aura son propre drapeau basé sur les symboles nationaux du peuple kurde. Au fil du temps, l’idée a évolué vers une confédération de provinces kurdes de la région. Toutefois, le PKK n’est pas une alternative à l’AKP – ce sont les deux faces d’une même médaille. Les deux camps progressent de plus en plus vers un accord commun dont il a été fait mention dans les médias traditionnels.

Nous pouvons mieux comprendre cela si nous lisons une déclaration publique dans la presse du PKK :

« Le modèle de l’autonomie démocratique est la solution la plus raisonnable, parce qu’il correspond le mieux à l’histoire et aux circonstances politiques dans lesquelles la Turquie se trouve. En effet, les Kurdes jouissaient d’un statut d’autonomie dans les frontières de l’Empire ottoman. D’où cette proposition qui ne se base pas sur le séparatisme. Au lieu de cela, nos peuples détermineront leur relation réciproque sur base de la libre volonté et l’union volontaire dans une patrie commune. Le modèle ne vise pas l’abolition de l’État, ni le changement des frontières. La Turquie démocratique et le Kurdistan autonome démocratique sont la formule concrète pour nos peuples pour se gouverner soi-même avec leur propre culture et identité, ainsi que leur droit de vivre librement. » [3]

Mais qu’est-ce qui se cache derrière ce revirement ? Est-ce un changement dans la conscience ou autre chose ? Certes, une raison importante est que depuis son arrestation, Öcalan a promis de servir l’État turc. D’autres raisons peuvent être trouvées dans les changements géopolitiques après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique.

Après l’effondrement de l’Union soviétique et le retrait du soutien syrien, le PKK a été contraint de chercher de nouveaux « sponsors ». Il était donc nécessaire de rejeter l’ancien marxisme-léninisme et de le remplacer par le « confédéralisme démocratique », qui convenait parfaitement parce que, contrairement au marxisme-léninisme, « ça ne dérange personne » et « tout le monde s’en fout », ce qui facilita la tâche de trouver des alliés extérieurs. En outre, le PKK tente de conclure un accord avec l’État turc, tandis que dans le même temps, il a besoin d’une idéologie qui mette l’accent sur le « caractère unique » du Kurdistan. Cette nouvelle stratégie de politique étrangère du PKK est basée sur trois principes. Le premier est que le PKK tente de collecter autant de dons que possible de la diaspora kurde à travers le monde. En outre, il essaye d’obtenir un soutien et de se présenter comme le seul vrai représentant des intérêts du peuple kurde, ce qui a réussi dans une large mesure. Le deuxième est que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes, ce pour quoi il a reçu une aide très utile de la part de la gauche occidentale, qui met constamment la pression sur ses gouvernements respectifs et attire l’attention sur la situation politique et la répression en Turquie. En conséquence, les militants du PKK sont très actifs pour présenter cette mythologie du « confédéralisme démocratique » parmi la gauche occidentale. Et le troisième principe est d’obtenir le soutien des « alliés occidentaux », en particulier des États-Unis.

Et quel est l’intérêt des États-Unis dans le PKK ? Les États-Unis sont surtout intéressés de disposer de combattants sur le terrain, dont les intérêts en tant que force coïncident avec les intérêts des États-Unis, de sorte que les États-Unis, en raison de l’insatisfaction de la population américaine, n’aient pas besoin d’envoyer leurs propres troupes. Les nationalistes kurdes veulent créer un État dans le nord de l’Irak, quelque chose que les puissances occidentales soutiennent ouvertement, qui sera un État qui se battra contre les islamistes de l’EIIL. En outre, leur nationalisme s’oppose à l’islamisme précisément pour obtenir le soutien de l’Occident. Bien sûr, les États-Unis ont fait tout cela en consultation avec son allié, la Turquie, qui bénéficie du passage des milices kurdes de Turquie en Irak, car cela octroie à la Turquie la paix intérieure, mais rend également plus facile d’établir un contrôle sur la population kurde locale.

LE VRAI VISAGE DU PKK

En plus de l’attaque contre les gardes villageois déjà mentionnés, le PKK a entrepris pendant des années une campagne de meurtre envers des enseignants turcs accusés d’être des « agents de l’État turc » parce qu’ils enseignaient la langue turque. Pour aggraver les choses, en Turquie, après l’obtention du diplôme, le pays envoie les jeunes enseignants partout où ils sont nécessaires, en particulier dans les villages et dans les provinces orientales de Turquie, ce qui signifie que les enseignants n’ont pas le choix ou pas une chance de s’en sortir. Des gauchistes locaux ont également été en butte aux attaques du PKK, mais aussi des nationalistes kurdes qui étaient en désaccord avec les politiques du PKK.

En outre, il convient de noter que le PKK prône le nettoyage ethnique de la population arabe en Syrie habitant la région kurde. Ainsi, le chef du Parti de l’Union Démocratique (PYD), le parti kurde syrien associé au PKK, a déclaré à la télévision que « Un jour ces Arabes qui ont été amenés dans les régions kurdes devront être expulsés (…) si cela continue de la même façon, il y aura la guerre entre Kurdes et Arabes. » [4] L’interview a été publiée sur un site pro-PKK. Dans le passé, la politique du PKK a été extrêmement néfaste à l’égard de populations minoritaires dans les territoires majoritairement peuplées de Kurdes. Actuellement, c’est en train de changer et le PKK est souvent présenté comme le défenseur de tous les peuples du Kurdistan. Mais là où le PKK peut fonctionner avec de nombreuses minorités nationales, pour des raisons évidentes, il ne peut pas travailler avec les Arabes, les Turcs et les Perses. Et lorsque des conflits éclatent avec eux, tout le monde est bien conscient que le PKK est avant tout un parti ethnique.

LE PKK « FÉMINISTE »

En Occident, le PKK a la réputation d’être une organisation qui traite les hommes et les femmes de façon égale. Il existe de nombreux rapports qui expliquent comment des femmes gagnent le PKK pour échapper à leurs familles, aux mariages arrangés, aux vendettas et autres coutumes patriarcales de la société kurde et turque. Mais contrairement à l’image que se construit le PKK, elles n’ont pas trouvé leur salut dans l’organisation, mais elles ont été victimes d’abus dans les camps du PKK.

La source de cette affirmation ne provient pas de « la machine de propagande » de l’État turc, mais des dissidents du PKK. Ainsi Mehmet Cahit Şener – l’un des fondateurs du PKK qui a dirigé l’éphémère PKK-Vejin (une organisation qui s’est séparée du PKK pour des raisons de désaccords avec la direction) – a écrit en 1991, avant d’être tué dans une action conjointe du PKK et des services secrets syriens :

« Apo [Öcalan] a obligé des dizaines de nos camarades femmes à avoir des relations immorales avec lui, il les a souillées et a déclaré que celles qui tenaient tellement à refuser « n’ont pas compris le parti, ne nous ont pas compris » et il les a fortement réprimées, et il a même donné l’ordre d’en tuer quelques-unes prétendant qu’elles sont des agents provocateurs. Certaines de nos camarades femmes qui sont dans cette situation sont toujours en détention et subissent la torture, elles sont forcées de faire des aveux à la mesure des scénarios les décrivant comme des agents (…) Les relations entre hommes et femmes au sein du parti se sont transformées en un harem dans le palais d’Apo et de nombreuses camarades femmes ont été traitées comme des concubines par cet individu. » [5]

Selim Çürükkaya, l’un des fondateurs du PKK, qui a fui vers l’Europe à cause d’Apo, a également décrit des incidents similaires. Dans ses mémoires, Çürükkaya a écrit que les relations sexuelles sont interdites pour l’ensemble des membres, et ceux pris en flagrant délit, indépendamment du fait que ce soit des hommes ou des femmes, sont sévèrement punis – torturés, emprisonnés et catalogués comme traîtres, ce qui conduit à leur exécution. Et contrairement à toutes ces règles, Öcalan avait le droit de disposer de chaque femme de l’organisation, et pour le reste de la direction, c’était en fonction de leur mérite. Ces témoignages ont été confirmés par d’autres dirigeants du PKK qui ont depuis quitté l’organisation.

AUCUN SOUTIEN AU PKK

Quels que soient les crimes de l’EIIL, il est impossible de prendre parti dans ce conflit. Je pense que pour tous ceux qui surveillent l’évolution des choses, il est clair qu’il n’y a que deux choix : l’EIIL et l’impérialisme occidental. Les Kurdes et le PKK sont dans le camp de l’impérialisme occidental.

Alors que nous pouvons être consternés des crimes de l’EIIL contre la population kurde en Syrie, il devrait être clair que nous n’obtiendrons rien en soutenant le PKK. En outre, soutenir le PKK c’est soutenir l’épouvantable politique ethno-nationaliste que nous avons déjà connue dans les années 1990. [6] De même, soutenir le PKK ne fait que renforcer leurs objectifs de politique étrangère, ainsi que nourrir la mythologie de la gauche occidentale d’une société libertaire, tandis que dans le même temps on renforce sa position parmi les puissances occidentales et on facilite la mise en œuvre de sa politique nationaliste ethnique sur le terrain.

Certes, il est nécessaire de condamner la politique actuelle de la Turquie contre les Kurdes, mais le PKK n’est pas un mouvement qui permettra de résoudre ce problème. Le PKK est un mouvement de voleurs de poules, qui intimide plus les habitants (comme les récentes attaques contre des écoles dans les villages) qu’il ne lutte contre le système et la discrimination. Parce que son but ultime est de détenir le pouvoir au Kurdistan, s’il pouvait accomplir ses politiques séparatistes, il le ferait en Turquie ou en participant à la guerre en Irak dans le camp des États-Unis.

L’auteur tient à remercier les camarades de Turquie (Dunya Devrim) pour leurs efforts de traduction et les informations sans lesquelles cet article n’aurait pas été achevé.

Juraj Katalenac, Zarez.

Source originale en croate : http://www.svjetskarevolucija.org/pkk-demokratski-konfederalizam-i-gluposti-juraj-katalenac/
Source en anglais : http://www.svjetskarevolucija.org/pkk-democratic-confederalism-and-nonsense-juraj-katalenac/
Traduction française : Třídní válka # Class War # Guerre de Classe

[1] L’article “The new PKK: unleashing a social revolution in Kurdistan” a été publié dans ROAR Magazine le 17 août 2014 : http://roarmag.org/2014/08/pkk-kurdish-struggle-autonomy/ [Disponible en français : « Le nouveau PKK a déclenché une révolution sociale au Kurdistan »]

[2] L’analyse “Kurdish spring: what are the PKK fighting for?” par Brian Whelan a été publiée sur le site de la chaîne britannique Channel 4 : http://www.channel4.com/news/pkk-kurdistan-workers-party-islamic-state-kurdish-spring/

[3] Note du traducteur anglophone : « Communiqué de presse du KCK et du Kongra Gel », Conseil présidentiel du Kongra-Gel, Présidence du Conseil Exécutif du KCK, 13 août 2010 : http://www.pkkonline.com/en/index.php?sys=article&artID=60

[4] Note du traducteur anglophone : Citation obtenue de : http://peaceinkurdistancampaign.com/2013/11/29/kurdish-news-weekly-briefing-3-29-november-2013/

[5] Note du traducteur anglophone : Cette citation est un matériau traduit en anglais qui est apparu dans cet article : http://vejin.wordpress.com/mehmet-cahit-sener-2/

[6] Note du traducteur anglophone : L’auteur fait ici référence aux guerres yougoslaves qui ont eu lieu dans les années 1990.

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