Le texte « Egypte : L’autogestion de Port-Saïd et les luttes ouvrières » a été originellement publié sur InfoAut et on peut en trouver une traduction française sur le site de l’OCL. Nous en avons retiré diverses informations pour écrire notre propre contribution à la lutte prolétarienne en Egypte. Nous l’avons également traduit en tchèque et nous venons de publier le texte en entier sur notre blog. Il décrit le processus vivant et contradictoire du changement de l’existence et donc aussi de la conscience des prolétaires en lutte à Port-Saïd, une agglomération de 600.000 habitants dans le nord de l’Égypte, à l’entrée du Canal de Suez.
Comme ce texte décrit le mouvement réel, il touche aussi nécessairement pas mal de ses faiblesses. Il serait néanmoins trop facile de rester coincé à ce que le texte décrit comme « l’autogestion » et la « police populaire » et de dénoncer le mouvement comme étant une lutte pour « l’État ouvrier » ou la « démocratie réelle ». Comme nous le soulignons souvent dans nos textes, la question n’est pas le nom d’une structure (et encore moins quel nom l’auteur du texte lui donne), mais bien son contenu ainsi que l’activité développée, le tout dans le cadre qui saisit la lutte de classe comme un processus, comme une série de ruptures avec l’État capitaliste.
Par conséquent nous ne nions pas que la situation et le mouvement lui-même (à Port-Saïd ainsi que partout ailleurs) est porteur d’un tas de contradictions, de tendances contradictoires, et donc aussi de faiblesses. Mais contrairement aux idéalistes qui collent des étiquettes sur les luttes qui ne correspondent pas selon eux à une qualité rêvée absolument révolutionnaire, et qui les désignent au mieux comme « des luttes à l’intérieur du capital » ou au pire comme « des luttes pour la démocratie », « le consumérisme » (se conformant ainsi complètement à la propagande bourgeoise) etc., nous voyons dans l’analyse de ces événements l’existence collective et la pratique à l’intérieur du mouvement prolétarien indépendamment des drapeaux ou de la « conscience » individuelle des participants, parce que ce sont précisément ces luttes qui changent les conditions de production et de reproduction de la vie réelle.
Il est clair que la conscience sociale est le reflet des rapports de forces dans la société de classe existante. Il est donc clair que les luttes prolétariennes portent dans leur cœur même différentes faiblesses qui sont le produit de la domination idéologique bourgeoise ainsi que le reflet de la reproduction de la vie sociale sous la tyrannie de la valeur. Même pendant la révolution prolétarienne la conscience bourgeoise dominera les masses du prolétariat et elle les dominera aussi longtemps que cette conscience reflétera la division de classe existante de la société.
Ce sont les luttes elles-mêmes comme nous l’avons déjà dit qui changent les conditions et les rapports de forces. Dans ces luttes (comme aujourd’hui à Port-Saïd) le prolétariat cesse d’être une catégorie sociologique, une classe « abstraite » composée d’un mélange de citoyens isolés, mais il redevient la classe qui dérange la logique de la domination capitaliste et qui crée les conditions pour la reproduction des besoins de la vie qui sont antagonistes à cette société. A un niveau conscient, il redevient la classe qui crée dans ce processus la critique révolutionnaire.
Les idéalistes attendent au contraire 100% de conscience révolutionnaire dans un conflit de classe, et ce dès son commencement même. Dans leur approche le rapport mutuel entre l’existence et la conscience est perdu, aussi bien que le mouvement ; c’est-à-dire que le processus de rupture d’avec la domination de l’idéologie bourgeoise et de la réalité quotidienne de la reproduction sociale capitaliste est perdu.
En dépit de toutes ces théories la situation révolutionnaire ne tombera pas du ciel. Elle sera le produit d’un énorme conflit de classe, de beaucoup de luttes et de défaites ainsi que de leur critique, de la participation active des masses du prolétariat et de ses minorités les plus radicales et conscientes, du communisme comme programme se constituant organiquement contre la dictature du capital.